Dr Moulay Abdeljalil DALIL ESSAKALI
Avocat au Barreau de Lille
Il faut dire les choses sans fard : le rapprochement entre Rabat et Paris hérisse une partie de la rédaction du quotidien « Le Monde » restée prisonnière de vieux réflexes, d’une grille de lecture datée, plus militante qu’informée. L’article publié le 24 août 2025, sur Sa Majesté le Roi Mohammed VI, relève moins de l’analyse que du procès d’intention : insinuations, raccourcis et généralités prêtes-à-penser qui ne feront que nourrir les officines hostiles au Royaume chérifien et alimenter des campagnes médiatiques à charge.
Sous couvert d’« enquête », deux journalistes survolent la réalité marocaine et recyclent un récit éculé : la rareté des apparitions royales deviendrait la preuve d’une « fin de règne ». Voilà la mécanique : partir d’images, plaquer une thèse, ignorer la profondeur institutionnelle. C’est confortable, mais c’est faux.
Une monarchie, pas une rumeur
Écrire en journaliste engagé, c’est viser le cœur de la réalité politique, pas la surface des perceptions. Qualifier l’atmosphère actuelle de « fin de règne » revient à projeter sur le Maroc un scénario de fragilité qui ne correspond ni aux faits, ni au vécu du pays. Comme tout chef d’État, Le monarque marocain traverse des périodes où la santé attire l’attention publique. L’apparition, le jour de l’Aïd al-Ad’ha 2025, d’un Souverain visiblement fatigué a été suivie d’images puissantes le montrant en jet-ski. Deux séquences, deux moments — et aucune d’elles ne saurait fonder un diagnostic politique.
Le rôle du Roi, au Maroc, dépasse la rumeur et l’instantané médiatique. La monarchie s’appuie sur une architecture institutionnelle solide, organisée et résiliente. Elle garantit la continuité de l’État, au-delà des aléas personnels, et encadre la vie politique par des mécanismes éprouvés. C’est cela, la réalité.
Les « luttes d’influence » : un cliché paresseux
Réduire la vie politique marocaine à des « luttes d’influence » fait injure à l’histoire et à la complexité du système. Depuis plus de quatre siècles, le Trône alaouite a traversé crises, mutations et recompositions régionales sans rompre l’équilibre interne du pays. On ne voit pas « la fin », on voit une continuité ordonnée : une communication publique millimétrée, des institutions qui fonctionnent, un centre de gravité clair.
La succession : préparée, encadrée, assumée
La question de la succession, brandie périodiquement par certains médias étrangers, est encadrée avec sérieux. Le Prince Héritier Moulay El Hassan, aujourd’hui âgé de vingt-deux ans, est formé avec exigence, entouré de conseillers aguerris et adossé à l’ensemble des institutions du Royaume. Tout, dans ce dispositif, vise une transition naturelle, sans rupture, dans le respect d’une légitimité historique incontestable. La maturité d’un État se mesure à la prévisibilité de ses transmissions : sur ce terrain, le Maroc est en avance.
Oui, le Maroc affronte ses défis, notamment en matière de gouvernance et de transparence. Oui, comme sous d’autres cieux, des scandales touchent parfois des responsables politiques. Mais ces épisodes ne sapent pas le socle monarchique ; ils confirment la nécessité de réguler davantage la vie publique. Dès janvier 2024, le Souverain a appelé à moraliser l’action politique, à doter le Parlement d’un code de déontologie contraignant et à prévenir les conflits d’intérêts. La monarchie, loin de couvrir, fixe la ligne, impulse, corrige. C’est la marque d’un système qui se réforme pour durer.
Continuité organisée, non vacance du pouvoir
Ce que certains décrivent avec gourmandise comme une « transition silencieuse » n’est en réalité qu’une orchestration maîtrisée : le Prince Héritier prend progressivement sa place ; les Conseillers du Palais structurent la communication officielle ; l’État ajuste ses messages. Ce n’est pas le vide, c’est la méthode. Ce n’est pas la fin, c’est la continuité.
Pour une éthique journalistique à la hauteur des enjeux
Reste une question de métier : l’éthique journalistique. Lorsqu’on traite d’un pays avec lequel on entretient une distance culturelle et politique réelle, la rigueur et la nuance devraient primer sur le sensationnalisme. On n’analyse pas un État à coups d’instantanés, on ne résume pas une monarchie pluriséculaire à des « impressions » et on ne déduit pas l’ordre institutionnel d’un pays de la seule fréquence des apparitions royales.
En définitive, le Maroc traverse une phase d’ajustement normal au sommet de l’État. Non une crise de régime. Le Roi Mohammed VI demeure le pilier de l’architecture nationale ; le Prince Héritier Moulay El Hassan incarne une relève préparée, légitime et soutenue ; le Palais, fort de quatre siècles de continuité, reste le garant de l’unité et de la cohésion. La maturité politique, c’est cela : préparer l’avenir sans rompre avec la continuité. Le reste n’est que bruit médiatique